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ARENA 92
NANTERRE 2010

Informations Techniques

Maître d'ouvrage : OVALTO - RACING METRO 92
Architecte : Anne Démians
Directeur de projet : Philippe Monjaret, Martin Mercier
Équipe : Cong Chen, Typhaine Blanchet, Amélie Gressier
BET Economiste : Parica
BET Structure : Setec tpi
BET Fluide Électricité : Alto ingenierie
BET Façade : VP & Green
BET HQE : Alto ingenierie
BET Scénographie : Architecture & Technique
BET Eclairagiste : Jean-Paul Lamoureux
Perspectives : Martin Mercier, Cong Chen
Acousticien : Jean-Paul Lamoureux
SDP: 110 800 m²
Coût : 222 M€ HT

Arène polyvalente, stage de 32 000 places, salle de spectacle de 42 000 personnes, bureaux.

La Palette des Rois

Le marché des transferts ou le pari d’une femme.

La qualité et le niveau d’un club passe par le renouvellement permanent de ses joueurs, de ses équipes et de son staff technique. La fraîcheur, la jeunesse, l’énergie et la motivation, souvent l’impertinence, participent à la renaissance de l’équipe, voire à sa résurrection. Elles requalifient et rééquilibrent l’équipe et le groupe, les conduisant à plus d’ambition, à une vision du jeu toujours renouvelée, à un meilleur engagement et à moins d’obligations embarrassantes.

La qualité et le niveau de l’architecture des stades et des espaces de grands spectacles tiennent de la même obligation. L’expérience n’est plus suffisante, si les jambes ne suivent plus, et la vivacité créative trouve sa pertinence dans de nouveaux modèles de pensée, d’expression et de structure d’études. « On ne fait pas du neuf avec du vieux », dit l’expression. Il est peut être temps, en effet, « de ne bâtir de nouvelles équipes qu’avec de nouveaux joueurs et de ne bâtir de nouvelles enceintes qu’avec de nouveaux acteurs »

La Fantaisie des Princes

La marque des champions ou l’audace de la différence.

Selon Billy Wallace, un joueur vedette de la tournée 1905-1906, les Néo-Zélandais sont surnommés All Blacks depuis qu’un journaliste britannique du Daily Mail, qui rédigeait un article à l’occasion de leur première tournée européenne, les qualifie de «all backs» (tous arrières ou trois quarts) en hommage au jeu de mouvement de leurs avants. (Pour le match suivant, c’est « All Blacks » qui aurait été écrit dans un journal à la suite d’une erreur typographique et le nom se serait propagé parmi les lecteurs du journal et les spectateurs). Les Néo-Zélandais venaient d’inventer « le mouvement perpétuel » en rugby, jouant sur la puissance, le déplacement et sur l’occupation total du terrain.

On se souvient aussi du jeu puissant des avants biterrois des années 70/80 qui avançaient, liés comme un corps homogène et i »ndéfaisable », protégeant le ballon sous le maul, ou de l’esprit provocateur des arrières du Racing des années 80, mélangeant, pour la première fois, humour, camaraderie et autodérision, se présentant à Bayonne avec des bérets basques, se grimant de noir pour épauler un de leurs coéquipiers, noir, ou portant perruques, blazers, pantalons blancs de pelotari, ou chaussettes roses, en buvant du champagne au repos.

Tout ceci fit du Racing le synonyme de l’excentricité au sein d’un milieu très conservateur, et fut fustigé par bien des professionnels comme une version parisienne et peu sérieuse de leur sport. Toutefois, rien n’aurait été toléré si les résultats n’avaient pas suivi. Ils furent champions, comme les autres. Le déploiement de nouveaux systèmes de jeu, surprenants et désarmants, accompagnés de purs talents, provoquant toujours des déficits de jeu dans les défenses adverses

On dit d’une équipe « qu’elle a de l’esprit » quand elle déploie son jeu dans des actions imprévisibles, touchant à l’inspiration plus qu’à la méthode. Ne saurions-nous imaginer la même « French attitude» pour une architecture improbable et inédite, au moment du « bon geste » ? Nous traversions un temps où la différence était une valeur sure de communication. Encore, fallait-il, comme pour le Racing de 87, l’oser. Une femme, dans cette adversité, en serait-elle seulement capable ? Sa féminité, cachée sous sa proposition, contraindrait-elle ou favoriserait-elle le portage d’un tel projet ?

La ligne d’essai

« Comme il n’y avait plus de grands projets, alors, j’en inventais »

2010 était une étonnante et sale période, à la fois. Elle succédait aux années d’embellie, vite emportées par la tourmente économique et sociale d’une l’Europe, des débuts difficiles de l’€uro et aux crises financières mondiales majeures qui devaient lui succéder. Elle laissait de côté les grands investissements fonciers ou immobiliers, avec, il va s’en dire, tout dessein d’architecture. C’était un temps où l’Etat se devait, dans l’urgence, d’afficher une politique de rigueur, d’économie et de modestie, quand, par ailleurs, des secteurs se redressaient à contrario, comme toujours en cas de crise. Les spectacles affichaient « complet », les séjours de villégiature aussi. Et les représentations sportives (toujours là pour distraire un peuple qui désespère ou qui cherche une raison d’exulter en communion) apparaissaient comme des activités autistes, réalisant les plus grandes audiences, sur les terrains, comme à la télévision.

Nous étions empêchés de nouveau (après les années noires de la crise pétrolière) de penser « grands projets », car il n’y en avait plus. Nous formions une génération de trop peu de confiance pour réaliser les belles choses d’une époque insouciante et vive, qu’on nous donnait inlassablement en exemple. La situation devenait critique et nous nous ennuyions à rester dans des clous, devenus mat, ne bordant même plus ces chemins surs qu’on nous promettait. Je ne pouvais pas m’y soumettre et, confiante et conquérante je me disais que « comme il n’y avait plus de grands projets, alors, j’en inventerais »

L’ARENA 92 est une de mes escapades nocturne, en mêlée, tête baissée et chaussettes hautes. Elle m’apparaît, par une nuit d’avril, sur l’écran noir de mes nuits blanches, où dans le ciel étonnement bleu léger, le lit arrive en avalanche, un mètre soixante quinze, des biceps plein les manches. On évoqua Yves du Manoir, rugby romantique, du jeu sans coups de pieds placés, ludique et libre, pris comme un jeu dans le jeu, noblesse de l’effort, révérence à l’esprit d’assaut.

Le music-hall m’envahissait. Les espaces de ma nuit se déclinaient sur les gammes de pianos électriques de Nougaro traversant, note par note, des amplis poussés jusqu’aux papiers peints les plus loin. Les hommes, aux chemises rayées de blanc et de bleu, traversaient la pelouse en même temps que des hommes en noir se hissaient sur des scènes mobiles pour évaluer le son. Chacun, son tour, s’appropriait le rectangle magique, tantôt à la façon féerique d’un Tim Burton, tantôt à celle plus « mongole » d’un Michel Crauste, tantôt à la manière déglinguée et supersonique d’un Mick Jagger. Je voyais le ciel successivement s’ouvrir et se refermer au dessus de ma tête qui cherchait à comprendre ce que mélange des genres signifiait. Je décidais d’en faire un dessin, convaincue de la modernité de son étrangeté.

Voici venu le temps des grandes appellations semi contrôlées, des audaces contrôlées, des usages composites et des espaces hybrides. Nous sommes à l’heure du métissage, du mélange des mots et des expressions, des langages et des genres. La télévision et les terrains nous ont appris à confondre réalité et fiction, les vrais mensonges et les fausses vérités. Chacun installe dans le paysage ses propres accumulations. En quoi devrais-je me gêner de franchir la ligne.

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