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Entretien avec Philippe Bonnave, Directeur Général de Bouygues Construction

09 | 02 | 2015

En accompagnant Anne Demians dans la construction de Quai Ouest le promoteur fait la preuve qu’il est possible de combiner l’exigence de performances sans sacrifier la qualité architecturale. Il dit comment.

Comment avez-vous été amené à travailler avec l’architecte Anne Démians ?
Philippe Bonnave : C’est moi qui ai proposé à Anne Démians de venir à Nancy sur le projet du siège social de Pertuy, filiale de Bouygues Construction, parce que je l’ai rencontrée à plusieurs reprises lors de réunions sur la thématique des bâtiments durables économes en énergie. Chaque fois, j’ai été intéressé par son approche qui consiste à combiner les exigences de performances énergétiques avec un réel souci architectural. Bien souvent, lorsque les normes HQE sont appliquées au sens strict, l’on constate que l’architecture est pour le moins minimaliste avec des ouvertures ramenées à leur plus simple expression. Grosso modo, il s’agit d’un cube à même de garder le maximum d’énergie à l’intérieur et peu gourmand pour le chauffer. Anne Démians sait combiner cette exigence de performances sans sacrifier la qualité architecturale, c’est pourquoi il me semblait intéressant de démontrer que sur un bâtiment de taille modeste comme celui de Quai Ouest, il était possible de lier les deux et de faire preuve de créativité architecturale pour un bâtiment moderne à basse consommation.

Quelle est la réglementation thermique du bâtiment Quai Ouest ?
P.B. Nous visons sur Quai Ouest la RT 2012 -20%, mais une fois que le bâtiment sera en pleine exploitation nous voulons démontrer qu’il est plus performant que ce que le calcul donne. Pour cela il faut le faire fonctionner et le juger ensuite.

Quels types de performances attendez-vous sur un an ou deux ?
P.B. Au-delà des calculs, il faut prouver qu’au travers de l’exploitation de Quai Ouest nous sommes capables de faire encore mieux que prévu, mais c’est la vie du bâtiment qui va nous le démontrer. Il vient juste d’être mis en service, il faut donc opérer les réglages nécessaires et ensuite voir au fil des différentes saisons comment il se comporte et comment il est utilisé.
De plus, la surface disponible en toiture donnerait un résultat anecdotique.

Quai Ouest n’est équipé d’aucun panneau photovoltaïque. Sa première qualité énergétique tient-elle au fait qu’il est compact et dense ?
P.B. Oui tout à fait. En outre, il dispose d’une qualité architecturale remarquable et remarquée. Anne Démians a réalisé avec Quai Ouest une excellente trilogie si je puis dire : c’est-à-dire un produit extrêmement performant d’un point de vue énergétique, d’une qualité architecturale indiscutable, pour un coût global également performant.

Vous ne souhaitez pas communiquer le prix de revient au mètre carré de Quai Ouest. Cela étant, au regard de sa vêture complète en acier inox satiné il est à se demander quel élément a pesé le plus dans le ratio ?
P.B. C’est très réducteur de vouloir passer en revue les différents coûts du bâtiment, ce n’est pas ainsi qu’il faut raisonner. La conception d’ensemble de Quai Ouest permet à l’utilisateur d’avoir un poste de travail beaucoup moins onéreux qu’ailleurs, c’est notamment le cas pour l’entreprise de construction Pertuy, notre filiale, aujourd’hui installée dans ses murs ; elle dépensait davantage auparavant dans un bâtiment tout à fait conventionnel n’ayant pas toutes ces performances. Aujourd’hui, les nouveaux concepts de bâtiments durables doivent se jauger à cette différence.

Vous dites que le poste de travail y est moins couteux mais dans quelle proportion ?
P.B. Globalement, il est 15 % moins cher, mais ce pourcentage est à ramener à l’ensemble du coût du bâtiment, lequel, par exemple, a réduit le nombre de places de parking, c’est pourquoi je parle d’une vision globale d’usage lorsqu’il est question d’un bâtiment durable. Faire moins de mètres carrés, moins de places de parking, engranger des économies d’énergie et pouvoir réaménager les locaux différemment si l’architecture le permet, sont des facteurs importants qui contribuent à cette valeur d’usage globale. En outre, ce bâtiment est transformable puisqu’il peut accueillir un locataire unique mais aussi plusieurs.

Pas de places de parking signifie que vous vous appuyez sur les transports doux à proximité, comme le tramway, par conséquent plus besoin de sa voiture. Cet aménagement au nom du développement durable est-il accepté par les utilisateurs ?
P.B. Notre démarche s’appuie sur une révision des modes de vie et de fonctionnement. Pour y parvenir nous mettons à la disposition des collaborateurs de Pertuy quelques voitures électriques qui sont garées sur les places que nous avons aménagées. Ces véhicules en usage partagé servent à leurs déplacements dans la communauté urbaine où les distances sont raisonnables, sinon les gens viennent au travail en tramway ou par d’autres moyens de transports en commun.

Quai Ouest sert l’image de Pertuy, filiale de Bouygues Construction. Que voulez-vous démontrer ?
P.B. Nous voulons démontrer qu’un bâtiment réalisé avec des principes de construction durable n’est pas simplement un objet doté de performances énergétiques additionnelles, c’est bien plus ! Il y a derrière une modification en profondeur du management de l’entreprise.

Est-ce que Quai Ouest a vocation de donner l’exemple aux constructions à venir sur le reste de l’ilot ?
P.B. Oui, bien sur, il servira peu ou prou de « coup d’envoi » à condition que les investisseurs des autres parcelles accompagnent le mouvement, mais pour l’instant notre bâtiment est le plus abouti. Autour de Quai Ouest, certains immeubles sont équipés de parkings tout simplement parce que les investisseurs ne sont pas certains, pour le moment, de vendre ce concept encore novateur. En ce qui nous concerne, l’idée est de montrer dans les faits qu’il est possible d’avoir une approche différente de localisation de bureaux à l’intérieur d’une ville et qu’au fur et à mesure ce procédé fonctionne très bien. L’essentiel est de comprendre que ce bâtiment accompagne des nouveaux modes de vie parce que, in fine, l’usage est bien plus consommateur d’énergie que la construction elle-même.

Bouygues Construction a-t-il l’ambition de hisser le développement durable sur le terrain de la citoyenneté ?
P.B. Exactement. Nous le faisons déjà sur beaucoup d’opérations notamment dans de nouveaux quartiers où, de notre point de vue, il faut se préoccuper de la vie après la construction. Par conséquent nous accompagnons les locataires et les propriétaires pour leur expliquer comment vivre différemment ce qui va bien au-delà de la position d’un thermostat de chauffage, c’est aussi, par exemple, implanter des magasins de produits frais à proximité et de les inviter à jouer le jeu.

Cette nouvelle vision de la ville durable n’est-elle pas aussi le fruit d’une volonté politique ?
P.B. Bien souvent les politiques rêvent de développement durable sans trop savoir de quoi il s’agit. Naturellement, il faut un concours de circonstances politiques pour envisager de bâtir un quartier durable sur tel ou tel foncier. Mais c’est à nous d’apporter des propositions et c’est pourquoi Bouygues Construction accompagne les usagers après la livraison d’un bâtiment. Cet accompagnement passe, notamment, par l’installation au pied d’immeuble de places de parking pour recharger des voitures électriques sinon les mauvais réflexes reviennent. Et quand je parle de faire venir des commerces de frais à proximité, il s’agit de commerces qui ne vendent pas des produits exotiques en plein hiver. Il n’y a rien de coercitif dans cette démarche, sinon la volonté d’encourager de nouvelles attitudes.

Y a-t-il des oreilles attentives à vos propos ?
P.B. Cela dépend des pays, je vous parle d’une vision à l’échelle européenne. Nous rencontrons un grands succès en Suisse où cette notion de citoyenneté est importante, les gens qui viennent s’installer dans nos immeubles connaissent les règles, mais il faut les accompagner et rester vigilants. Chez Bouygues Construction nous dépêchons des personnes qui entretiennent le dialogue permanent entre les habitants et les commerçants, le développement durable englobe toutes ces nouvelles habitudes au jour le jour. La construction, en elle-même, ne représente qu’une infime partie de la responsabilité vis-à-vis de l’environnement et s’il n’y a pas une évolution des comportements, il ne se passera rien de tangible. C’est le cas en matière d’économie d’énergie. Par exemple, en réhabilitant des grands ensembles HLM que nous avons équipés de systèmes de chauffage performants, nous avons tout de suite remarqué que les habitants vivaient à 27° dans leurs logements au lieu de 20 ou 21 °parce que c’est plus agréable de déambuler chez soi en tee-shirt…Si la technologie que l’on embarque est au bout du compte mise à mal par des comportements quotidiens, cela ne servira à rien. Or, les utilisateurs ne se modèrent pas facilement, il faut du temps.

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