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L'ARCHITECTURE, UN ART D'ASSEMBLAGE

L’architecture s’affirme davantage aujourd’hui comme un art d’assemblage que comme un art de composition. 

En effet, c’est par l’analyse et la synthèse de données liées à des tas de supports comme l’histoire, le climat, la topographie d’un territoire, la culture régionale, l’économie circulaire ou l’équilibre social d’un contexte, qu’un projet d’architecture avance son véritable ancrage et sa vraie légitimité.

L’acte brut consiste simplement à construire. Puis il bascule, ou non, dans le registre plus sensible de l’architecture quand des assemblages bâtis sur le sens, apparaissent. Car le sens, en architecture, c’est ce qui acte l’acte de création. Quand, par opposition, c’est bien l’absence de sens et de créativité qui finit par reproduire, à l’infini, des modèles uniquement construits sur l’économie de la construction et de la promotion.

UNE METHODE

La méthode que j’emploie pour dessiner un projet, c’est celle qui s’appuie d’abord sur une résolution rationnelle des enjeux, à travers le programme, l’économie et les règles de la construction. Puis, de façon irrationnelle (mais indissociable de la première), celle qui s’appuie sur des espaces qui sont à chaque fois spécifiques et qui naissent de l’imagination.

En quelque sorte, une addition complexe de données sensées et insensées qui restent propre au projet dont j’ajuste l’assemblage en fonction des enjeux politiques et esthétiques. L’architecture, qui reste un art unique d’assemblage, provoque alors, curiosité, respect et émotion.

QUATRE REALISATIONS ET TROIS PROJETS

J’ai opté très tôt, pour ce que j’appelle le classicisme moderne, c’est parce que le classicisme garantit à nos bâtiments cette intemporalité dont la période actuelle nous prive.

A titre d’exemple, j’ai choisi trois réalisations (que j’ai récemment livrées) et deux projets (que j’ai dernièrement dessinés) pour consolider mon propos et faire ainsi peut-être mieux comprendre ma façon de penser et de construire mes projets.

Les trois réalisations dont j’ai choisi d’évoquer, ici, la dimension politique, technique, économique ou esthétique de leur architecture, relèvent, toutes les trois, de contextes particuliers, très différents les uns des autres. Ce qui exclue automatiquement un quelconque risque de reconduction entre un de mes projets et un autre. Evacuant ainsi la tentation du style. Elles sont les résultats de réflexions étrangères les unes aux autres et produisent évidemment des architectures différentes mais elles trouvent pourtant des analogies d’une réflexion plus large sur la ville qui se tisse de projet en projet.

Un premier exemple, réalisé en 2016

LES DUNES

Pour la réalisation des Dunes, le siège de la Société Générale à Val-de-Fontenay, l’enjeu était double.

Il nous fallait déplacer en une seule fois 5 500 personnes sur le site (pour cela, 100 000m2 étaient nécessaires, construits sur une parcelle de 23 000m2). Puis, intégrer une disposition managériale inédite, et de tout premier plan, pour faciliter l’introduction du numérique sur les plateformes de la banque.

Le système de développement horizontal fut préféré à la disposition verticale des espaces, plus favorable au travail collaboratif. Puis, à la figure classique de la cour carrée, entourée de 4 bâtiments, j’ai substitué celle plus moderne de 3 sillons parallèles, peu profonds et hauts sur leur crête. Cette pièce urbaine est unique. Elle n’a, ni début, ni fin. Par ses alignements, elle traite de la grande échelle en mettant en place un bâtiment paysage qui pallie au déficit d’urbanité du quartier dans lequel il s’insère.

Car, c’est bien de la mise en scène d’une amorce de territoire dont on parle, ici, et pas d’une réalisation totalement achevée et refermée sur elle-même.Cette idée d’un tracé géométrique simple, constitué de parallèles, vient pourtant d’une pensée organique. Le tissu vivant qui l’inspire, c’est celui des Salins de Giraud en Camargue. Un espace naturel (la dune et la plage) qui accueille chaque été des estivants venus avec leurs caravanes, mais aussi des baraquements en tous genres faits de bric et de broc. C’est une organisation urbaine, sauvage et spontanée, agissant en autogestion et qui se compose de deux ou trois alignements parallèles à la mer. Les espaces dégagés sont linéaires, plus ou moins encadrés par les logis de fortune. Et toute la communauté se règle sur ces espaces en long, tracés spontanément et sans hiérarchie entre la mer et la dune. Mais ne s’interdisant jamais cette liberté de franchir transversalement les lignes.

Les Dunes à Val-de-Fontenay s’inspirent de cette efficacité immédiate, sans hiérarchie de constructions, ni d’habitudes d’emplacements. C’est l’antithèse des modèles des années 70, statiques et fermés.

L’analogie avec cette structure sociale modeste et le grand capitalisme qui cherche à humaniser les conditions de travail à travers l’introduction du numérique, est l’occasion pour moi de rapprocher 2 mondes, en réalité, pas si éloignés que cela, quant à leurs aspirations.

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Cinquième exemple, de projet en cours de travaux

 

L'ESPCI, L'ECOLE SUPERIEURE DE PHYSIQUE ET DE CHIMIE INDUSTRIELLES

L’enjeu de cette réalisation est exceptionnel. J’ai modernisé cette école dite des 6 Nobels, située sur la Montagne Sainte-Geneviève, dédiée depuis 1882 à la connaissance et à la recherche scientifique par une vision extrêmement sensible de l’espace, de nature à stimuler l’imaginaire spatial des chercheurs et des étudiants, en même temps que serait stimulé leur imaginaire scientifique. Puis, à provoquer des rencontres entre eux. Enfin à diffuser le savoir au sein de l’’école et le porter à l’international.

C’est pour toutes ces raisons que vous verrez les bâtiments se développer dans une spirale qui s’enroule autour de deux jardins (jardin triangle-rectangle et jardin des chercheurs) et qui se poursuit dans un mouvement ascensionnel au droit d’un escalier spectaculaire, vitré sur ses quatre côtés et ouvrant, sur deux d’entre eux, sur les jardins de l’Ecole.

Les laboratoires se déploient autour des jardins, des espaces propices au calme. Et les amphithéâtres qui restent les lieux majeurs pour diffuser l’état des dernières recherches, sont installés et ouverts sur la place Kastler.

 

Pourquoi un plan masse en forme de spirale ?

La spirale, figure mathématique, est la métaphore de l’infini dans les domaines de la recherche et de la connaissance. La verticale de circulation -ou l’escalier- qui marque son aboutissement doit être suffisamment significative et marquante pour que cet espace de rencontre devienne l’axe principal de la convivialité productive qu’on était en droit d’attendre d’une telle Ecole.

Je souhaitais, en effet, inscrire ce lieu d’études et de recherches dans un espace équilibré au mieux entre la science et la spiritualité. Einstein disait : « l’imagination est plus importante que la connaissance car la connaissance est limitée, tandis que l’imagination englobe le monde entier, stimule le progrès et suscite l’évolution. »

Mais cet espace devait être moderne. Et pour cela il fallait que l’Ecole s’exprime à travers des enchainements d’espaces limpides et compatibles avec la réflexion et l’imagination. Ce que je fis.

 

 

Deux écritures / une seule architecture

C’est aussi l’histoire d’une belle tentative : celle d’exploiter la piste d’une architecture de matières et d’espaces, susceptible de s’inscrire dans la durée, tout à la fois dans l’histoire des découvertes de l’Ecole mais aussi capable de porter les découvertes à venir.

Il s’agissait là d’additionner deux écritures qui se sont exprimées avec un siècle d’écart. Elles ne forment plus aujourd’hui qu’une seule architecture, cohérente et forte de ses hybridations. Une architecture faite à partir d’une matière sombre et texturée, régulièrement percée par de belles ouvertures entrant en résonnance avec le socle vermillon de briques

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Sixième exemple, de projet en cours d'études

 

L'HOTEL-DIEU DE PARIS

L’enjeu politique et urbain de la restructuration de l’Hôtel Dieu est déterminant pour la revitalisation de l’Ile de la Cité. Il s’agit en effet de redéfinir la complicité urbaine avec les deux autres pièces majeures que sont Notre-Dame de Paris et le Palais de Justice, et d’installer l’Hôtel Dieu comme le vaisseau amiral de l’APHP pour la recherche, l’innovation et l’application en médecine.

L’architecture de l’Hôtel-Dieu est savante, nourrie de références de la Renaissance Florentine. Arthur Stanislas-Diet a réalisé une pièce représentative de l’hygiénisme dans un dessin haussmannien. Ce dessin de façade est conservé strictement, affirmant la valeur patrimoniale de l’Hôtel-Dieu.

Il s’agit d’ouvrir l’Hôtel Dieu sur son contexte immédiat et de créer des connexions avec l’ensemble des hôpitaux de Paris et à l’internationale en matière de recherche médicale. C’est ainsi que les surfaces au sud, seront principalement dédiées à un Institut de la recherche et à l’innovation, et au nord, au maintien de service médicaux.

Pour ouvrir l’Hôtel Dieu sur son environnement :
Trois axes majeurs s’imposent sur un site qui s’élargit désormais à l’Île Saint Louis et au parvis de Notre-Dame de Paris.

1/L’axe est-ouest (l'axe institutionnel) démarre sur la place Dauphine et se poursuit, après avoir traversé le Palais de Justice de Paris, sur la Place de Lutèce pour aboutir sur le parvis du centre du Pôle Santé et Innovations

2/L’axe nord-sud (l’axe historique) démarre avec le Parvis de Notre-Dame de Paris et se poursuit à travers le pavillon d'entrée avant d’enchaîner avec le grand jardin central de l’Hôtel-Dieu.

3/L’axe est-ouest (l'axe découverte et pause) traverse le site depuis la rue de la Cité vers la rue d’Arcole. Il donne accès à des espaces de découvertes gastronomiques et de pause-café.

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Septième exemple, de projet en cours d'études

 

LA NEF DE L'HOTEL-DIEU DE PARIS

L’incendie de Notre-Dame, survenu les 15 et 16 avril 2019 et qui détruisit sa charpente, sa flèche et ses superstructures en même temps qu’il entrainait de profonds dégâts sur sa charpente et sur son transept, a provoqué une profonde émotion tant à Paris, en France que dans le reste du monde.

Chacun, à sa manière, réagit alors avec sa sensibilité et ses moyens.

La Nef est le récit d’une proposition destinée à tous, d’accès libre, qui répond à une mission d’intérêt public et que personne ne m’avait demandé.

La Nef, moins mélancolique que romantique, est assurément de son époque. Avec le silence qui s’exprime au travers du dessin de son architecture, elle ouvre son grand espace classique aux pèlerins et aux visiteurs qui sont venus pour prendre le pouls de sa célébrissime voisine en souffrance : la Cathédrale.

On s’y retrouve poussé ou projeté dans la grande carcasse de la Nef, construite sur le pas de sa grande charpente bois. Dans une succession d’arcs boutants dont les embouts ressemblent, mais en plus gros, au chas d’une aiguille. Et c’est dans l’enfilade des chas que se glisse une poutre de cime, de section ronde, qui raidit les arceaux et assemble toute la construction.

 

La Nef contribue à revitaliser l’île de la Cité au cœur de Paris. Le projet se veut témoin d’une esthétique nouvelle qui séduit par son inscription dans la ville, son histoire. Inscrite sur trois échelles identifiables, celle de l’Hôtel-Dieu, celle de la cité et celle de Paris, la Nef de l’Hôtel-Dieu contribue, par sa présence et son contenu, à remettre en scène la Cathédrale de Paris. Passerelle idéale entre hier, aujourd’hui et demain, la Nef est une œuvre qui tisse un lien entre toutes les formes des architectures issues de l’histoire et celles qui, comme elles, préfigurent l’avenir.

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QUEL EST LE VRAI ROLE QUE PEUT EXERCER L’ARCHITECTE DANS LA PRODUCTION D’AUJOURD’HUI ?

 

Un architecte, c’est d’abord l’observateur attentif puis l’assembleur adroit de tous les composants qui concourent, dans un premier temps à un projet d’architecture, puis, dans un second temps, à sa construction et à sa livraison.

Lui seul est capable de mettre, intelligemment, en équilibre l’ensemble des matières qui frappent un projet de construction, sans que l’œuvre ne dissone. Bien que d’autres en revendique le savoir-faire, il est bien l’acteur le plus armé pour engager la seule bonne synthèse possible.  

Il reste un acteur majeur de l’époque dans laquelle il évolue s’il prend ces initiatives ou ces anticipations que lui seul est capable d’énoncer. Il ouvre, alors, auprès des populations ces champs futurs qu’aucune société en défaut d’expression n’est à-même capable d’exiger.

Son premier travail, c’est traduire dans l’espace des énoncés fonctionnels, sociétaux, économiques, esthétiques, écologiques. Cela, dans la grande ou la petite dimension, avec la même attention. Et, parce que c’est dans la nature de son art, et dans la mission de ce qu’il construit, il doit toujours tout faire pour intervenir en priorité dans l’intérêt de tous.

Malheureusement, les productions actuelles, inscrites la plupart du temps dans des nouveaux quartiers, sont trop éparpillées, construites sans la moindre unité de matières ou de formes et sans la moindre intelligence d’assemblages.

Il y a trop souvent affolements, précipitations, agitations ou mauvaises décisions pour que les résultats soient bons. Les architectes sont alors astreints à n’être plus responsables que des choses en vue depuis une réalisation (façades essentiellement). Et ce nouveau rôle, limité à celui de building-designer dans lequel les grands groupes l’enferment, le met gravement en danger. Il s’agit d’urgence d’en sortir.

On peut en sortir en affirmant le rôle indépendant de l’architecte vis-à-vis des groupes constructeurs puis en redonnant à l’architecture la place principale qui était la sienne avant que la commande ne se privatise. Enfin, et de manière plus pragmatique, en soutenant les formes d’un certain classicisme moderne.

Le classicisme, dans la construction puis dans l’architecture, émerge d’une ligne de conduite qui n’est pas forcement contraire avec la notion de modernisme et de créativité. Et si l’architecture se différencie de la construction par cette capacité qu’elle a d’émouvoir à travers une réponse pertinente et impertinente à la fois, alors elle pourra être regardée et exigée.

C’est l’authenticité de la démarche des architectes soucieux de la pérennité des ouvrages et du bon sens qui les structure qui garantit la profondeur et l’intemporalité des constructions. Les questions posées sur le temps, le confort, l’usage, l’esthétique et la valeur foncière de l’ouvrage (directement liée à la qualité de sa construction), deviennent prioritaires sur toutes les autres et leurs réponses installent la durée et le temps comme les données existentielles indispensables à l’authenticité de nos œuvres et de nos villes.

Anne Démians / 2025

Deuxième exemple, réalisé en 2019

LES BLACK SWANS

Un concours d’architecture européen a été lancé, en 2013, par la ville de Strasbourg et Icade. L’enjeu était double : Il s’agissait de construire une surface d’environ 30 000m² pour revitaliser l’ancien site industriel de la presqu’île André Malraux et renforcer l’axe de développement entre Strasbourg et Kiehl.

J’aurais pu, dans un premier réflexe, dessiner des architectures différentes qui auraient répondu très exactement aux différents programmes qu’on nous avait donnés (hôtel, bureaux, logements, résidences-service et commerces). Mais à cette diversité de fonctions, j’ai préféré y répondre par une structure type, unique qui pouvait se dupliquer sur tout le site, tout en ouvrant ses surfaces à des programmes différents.

Les bases d’un assemblage vertical, à la fois flexible et réversible, étaient lancées. Un nouveau modèle de bâtiment voyait le jour et, avec lui, le développement d’une mixité parfaite qui pouvait coloniser tous les espaces des bâtiments. Avec l’assentiment d’Icade, nous avons conjointement déposé le label de ces ouvrages, sous le qualificatif d’immeubles à destination indéterminée (IDI), en 2016. En effet, rien ne prédéterminait les éléments d’élaboration des immeubles. Et encore moins leur destination réelle. La contrainte économique était tenue. Les espaces produits pouvaient, sans supplément de prix, évoluer librement avec le temps. L’architecture, bien que reconsidérée dans son contenu, garderait ainsi toute la cohérence de son apparence d’origine. Car, j’avais pris soin, au préalable, d’installer des dispositifs techniques et esthétiques qui garantissaient l’intégrité des ouvrages. Par exemple, une coursive généralisée sur tout le pourtour de la façade, des circulations verticales et une trame de construction, la même pour les différentes destinations de l’immeuble.

J’avais voulu installer ce projet dans l’équilibre de deux temporalités : celle plus immédiate d’une réalisation installée dans un site et celle, plus longue, des évolutions qu’elle subirait sans remettre en cause l’intégrité de sa construction.

Alors, me direz-vous, pourquoi les Black Swans ?

C’est simplement parce que le site est marqué par la présence de grands bassins sur lesquels glissent très élégamment des cygnes blancs. L’élégance de ces oiseaux, rendus graciles par le port dressé de leur cou sur leur forme massive, m’avait inspirée.

Avec le basculement des cygnes blancs du bassin André Malraux à Strasbourg en cygnes noirs tout droit sortis du film Black Swan d’Aronofsky, je révèle la dimension romantique de cet ancien site industriel et, donc, j’attache plus directement cette réalisation à son site.

Le noir, en effet, leur donnait plus de puissance émotionnelle et esthétique.

Troisième exemple, réalisé en 2019

AUTEUIL

Là, à Auteuil, ou plus précisément au droit de la Place de la Porte d’Auteuil, il s’agit d’autre chose : autre contexte, autre projet. C’est une réalisation qui compte 4 bâtiments voulus comme autonomes par leur construction, mais étroitement liés par leur conception et la personnalité de leurs auteurs.

Je veux parler, ici, de Francis Soler et de Rudy Ricciotti qui avaient la charge de réaliser, chacun, 100 logements sociaux et de Finn Geipel et de moi-même qui avions la charge de réaliser, chacun, une centaine de logements en accession. Le tout avec une extrême densité, sur un site très en vue dans le 16ème arrondissement de Paris, frappé d’alignement sur le boulevard Suchet au titre du PLU.

Travail prospectif, mais pas seulement, Auteuil est un assemblage très savant d’ouvrages disposés dans un parc. Par ailleurs, chacun des bâtiments apparait comme faisant partie d’un tout indissociable, pourtant composé d’architectures et d’écritures qui, bien que différentes, restent, étrangement et matériellement, voisines les unes des autres. 

La raison?

Cette capacité, pour chacun d’entre nous (les architectes) à nous inscrire dans une gamme de matières et d’équipements de façade qui était la même pour nous tous, puis de nous renvoyer une interprétation différente du même catalogue de matières et d’assemblages. Puis de régler paradoxalement par un désalignement de mitoyennetés un problème de densité en proposant, du fait du décalage des bâtiments, les uns par rapport aux autres, plus de surfaces de façade, donc plus de fenêtres et plus d’appartements.

Le résultat ?

Un plan de masse dense et aéré, tracé sur les axes cardinaux, présentant des bâtiments sans vis-à-vis. Et une force d’expression de façade avec le même niveau d’exigence pour le social et le privé. Puis, une alternance de pleins et de vides, entre un bâti et un paysage homogène qui court sur toute la parcelle à travers des cours, des places et un grand espace couvert qui marque le centre géographique et topographique de l’opération.

Architecture ? ou œuvre d’art ?

Monté sur pilotis, l’espace est dominé par un puits noir vertigineux qui s’échappe vers le haut et qui donne à cet endroit où se croisent les axes de l’opération, une dimension matérielle et abstraite du point d’origine de l’opération, et jamais proposée jusque-là, dans une opération de logements.

Ce vide est une transposition des vides et des escaliers monumentaux des Palais et des Hôtels particuliers qui constituaient, à l’époque, le cadre des relations sociales. Les architectes modernes, se sont trop souvent perdus dans des espaces qui ne correspondent plus à rien et qui sont,  de fait, délaissés ou vécus comme superflus.

Cette scénographie de l’espace donne à l’ensemble du vide un effet de mise en abyme qui démultiplie l’espace à l’infini.

Cet espace qui fait totalement corps avec le bâtiment pose en effet la question de la limite entre la position de l’artiste et l’attitude de l’architecte.

Quatrième exemple, réalisé en 2024

 

NANCY THERMAL, OU « LES BAINS DE NANCY »

Cette réalisation s’inscrit avec l’Hôtel Dieu et l’ESPCI à Paris dans une dimension politique propre aux enjeux portés par ces différents projets. Ces projets ont fait l’objet d’une recherche pleine et aboutie entre un bâtiment appartenant au patrimoine des villes qui l’accueillent et la dimension contemporaine qui les caractérise.

Les Bains de Nancy révèlent la dimension paradoxale de l’architecture des thermes de Nancy dans sa capacité à provoquer tout à la fois des sensations fugitives, par un éclat de lumière, un reflet singulier, un bouillonnement, mais également par la capacité de ces bâtiments à provoquer une sensation de durée, dans un espace-temps en suspension entre patrimoine et modernité.

La renaissance des thermes de Nancy s’inscrit dans une volonté politique forte portée par André Rossinot, ancien président de la métropole et ancien maire de Nancy, pour revitaliser le territoire de la Lorraine, par le biais ici de la santé, du sport, du loisir, de l’art et de l’architecture.

L’histoire de ce projet est émouvante…

Pourquoi des thermes à Nancy ?

Tout simplement, Louis Lanternier, architecte-entrepreneur découvre une source thermale en 1908. Il décide de la présenter à l’exposition universelle de 1909 et devant ce succès populaire. Il décide de construire à partir et autour de cette source les thermes que nous voyons. Malheureusement la guerre de 1914 interrompt le chantier.

Depuis cette œuvre inachevée a subi des dégradations depuis plus de 100 ans.

 

Un sauvetage en 3 actes :

Dans un premier temps, je décide de restituer l’intégrité urbaine et paysagère du bâtiment. Pour cela, je supprime l’ensemble des constructions parasites pour libérer de grandes plages paysagères entre les bâtiments existants et ainsi je relie le parc Sainte Marie avec la ville. Le Parc Sainte Marie est un parc historique riche de la tradition horticole de Nancy. Je crée un lien fort entre architecture et nature.

Dans un deuxième temps, pour préserver ces grandes plages paysagères et pour installer les nouveaux espaces nécessaires à la renaissance des thermes je prolonge les bâtiments existants par des bâtiments compacts.

Ainsi, dans un troisième temps, je prends ainsi le risque de confronté écriture patrimoniale et écriture contemporaine.A l’écriture blanche et verticale de Louis Lanternier à gauche, je juxtapose la mienne, noire et horizontale à droite.

Je complète cette œuvre inachevée par le négatif des bâtiments existants.

 

2 architectures différentes qui se juxtapose mais pas si incompatibles que cela. A la profondeur des ombres générés par les colonnades verticales blanches de Lanternier, je réponds par les profondeurs dessinées par les ombrières que j’installe dans des cadres rythmés et horizontaux noirs.

Ici les volets ondulants sont l’expression contemporaine du paravent, du brise-soleil et permet, aujourd’hui et dans le futur, de multiplier les usages. La complexité et la diversité des espaces du nouveau centre thermal qui abritent une résidence hôtelière, des salles médicales, des salles de soin, des salles de repos, des salles de massage, des bassins sont ainsi unifiés dans une seule écriture rythmée et régulière pour ainsi créer une connivence avec l’architecture néo-classique de Louis Lanternier.

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