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Laurent Mourey , directeur du développement immobilier chez Linkcity

09 | 02 | 2015

Vous êtes le promoteur de Quai Ouest et à ce titre vous avez accompagné l’architecte Anne Démians. Quels étaient les risques d’un tel projet ?
Laurent Mourey : Le terrain se trouve à un endroit stratégique de la ville qui fait la couture entre le Nancy historique et la nouvelle ville située derrière le canal sur les Rives de Meurthe. L’enjeu était vraiment considérable pour plusieurs raisons. Nous étions à environ 400 mètres de la Place Stanislas sur une des dernières emprises foncières d’importance disponible au centre ville. En outre, Quai Ouest est au bout d’une artère majeure à Nancy, la rue Saint Georges, qui descend de la gare TGV pour arriver sur le canal ; dans sa partie supérieure [vers la gare] elle est très commerçante et l’objectif était de développer des commerces jusque vers le bas de la rue, par conséquent, nous devions opérer également une couture commerciale. Enfin, l’enjeu était citoyen. Cet ancien site de l’usine à gaz de la ville est longtemps resté en l’état de sorte qu’il suscitait beaucoup d’attentes chez les nancéiens.

Des logements vont-ils être construits derrière et autour de Quai Ouest ?
LM : Le programme d’Anne Démians qui comprend un immeuble de bureaux et une résidence de tourisme d’affaires représente 10 000 mètres carrés sur un îlot qui en compte 28 000. Le reste est en partie construit, la première livraison de logements est déjà faite. Quai Ouest est très visible puisqu’il se trouve en bordure de l’anneau de déserte de Nancy. Il se situe sur le site de l’ancienne usine à gaz. Sa dépollution a été réalisée et elle a même été primée pour son exemplarité dans le cadre du concours lancé au niveau national par l’Ademe, une récompense qui saluait la réhabilitation d’une friche industrielle de centre ville. Comme je le disais à l’instant, nous sommes à la limite du secteur sauvegardé, par conséquent l’architecte en chef des Monuments Historiques, Pierre Yves Caillaut, a été particulièrement attentif au programme. Il a agit comme conseiller de la ville. Il fallait donc être à la hauteur du sujet. Et comme nous sommes à la limite de la ZAC Stanislas Meurthe nous étions également observés par l’urbaniste Alexandre Chemetoff, ce qui signifie que nous étions surveillés de très près !

Quels étaient les autres risques ?
LM : Il y avait d’abord le risque de ne pas être à la hauteur des attentes et ne pas recevoir la validation de la ville, Ensuite, il y avait le risque de déplaire aux nancéiens ce qui aurait pu nous conduire à avoir des recours sur le permis de construire.

En avez-vous eu ?
LM : Même si l’immeuble n’a pas fait l’unanimité au début, nous n’en avons eu aucun. Peut-être parce que nous avons su faire preuve de pédagogie dans le cadre des réunions publiques organisées avec la ville. Néanmoins, nous avions pris la précaution d’individualiser cette partie du programme. En cas de recours, les logements auraient tout de même pu se bâtir. Un autre enjeu et non des moindres, était l’implantation dans cet immeuble de notre siège social. Il y avait donc un enjeu d’image. Il fallait que celle-ci corresponde à notre démarche d’entreprise. Pour affronter toutes ces contraintes nous avons eu une méthode très simple : nous avons fait confiance à Anne Démians.

Concrètement, comment avez-vous opéré ?
LM : Nous lui avons fourni notre programme, c’est-à-dire un cahier des charges très précis et nous lui avons laissé toute latitude dans la déclinaison architecturale ainsi que dans l’image qu’elle souhaitait donner au bâtiment.

Cette réussite tient dans la conception imaginée par l’architecte Anne Démians, mais pas seulement. A-t-elle su trouver le ratio qui rassure l’investisseur et le promoteur pour mener jusqu’au bout son projet sans l’amoindrir ?
LM : Bien sur. La preuve en est puisque l’immeuble est construit et totalement occupé. Choisir un architecte présente toujours un risque d’autant qu’ici, il n’y a pas eu de concours ouvert, mais une commande de gré à gré, sans même que nous exigions une esquisse de la part d’Anne Démians. Nous l’avons retenue sur ses références et son engagement dans le développement durable. Pour sa part, André Rossinot, maire de Nancy a souhaité que nous nous placions dans une démarche d’élaboration de projet extrêmement collaborative avec les services de la ville, ceux du Grand Nancy ainsi que l’agence d’urbanisme. Nous avons formé un véritable « workshop » et ça a très bien fonctionné. Je me souviens que nous avons présenté ce projet à André Rossinot le 16 décembre 2010 sous la neige et nous n’en menions pas large. Certes Anne était détendue parce qu’elle était sure d’elle, mais nous avions conscience que nous présentions un projet vraiment audacieux. Le maire a été convaincu et nous avons pu déposer le dossier de demande PC.

En qualité de maître d’ouvrage votre souci est de réaliser un équilibre financier. Est-ce le cas ?
LM : L’équilibre financier est bien évidemment un élément essentiel dans la réussite d’un projet. L’objectif était de parvenir à une architecture très audacieuse mais surtout à une qualité d’usage irréprochable. Ce que nous offrons à nos clients va bien au-delà de l’architecture. Les immeubles que nous construisons sont des lieux où vivent et travaillent des personnes qui doivent s’y sentir bien. Le confort d’usage est donc essentiel. De ce point de vue, le travail que nous avons réalisé avec Anne Démians est parvenu à cet équilibre en imaginant un bâtiment intelligent, extrêmement différentiant mais dont la qualité d’usage est en adéquation avec les besoins. D’ailleurs, dès sa livraison, toutes les surfaces étaient louées, notre siège social ne représentant que la moitié de celles-ci.

A quoi tient cette qualité d’usage ?
LM : Elle tient au fait que nous avons travaillé sur des standards que nous avons définis ensemble. Notre programme correspondait aux demandes du marché et Anne se l’est bien approprié. Le cahier des charges était précis sur les trames de façade, sur les taux d’éclairement et sur la flexibilité des surfaces intérieures qui devaient être suffisamment divisibles. En résumé, la conception modulable permet à chaque preneur d’y trouver son compte. De plus, l’immeuble est labellisé haute qualité environnementale et BBC : tous ces sujets ont été travaillés en amont de manière très pointue.

Quel est le prix de location au mètre carré ?
LM : Quai Ouest a été commercialisé entre 170 et 180 euros du mètre carré, soit une valeur « prime » du marché locatif nancéien et nous avons trouvé preneurs. Cela signifie que nous sommes parvenus à résoudre l’équation financière. La flexibilité des plateaux nous a permis d’avoir un compas d’offres assez large, en d’autres termes nous répondons à celui qui veut travailler en open- space ou en plateau cloisonné ou un mixe des deux.

Diriez-vous que cette opération est positive parce que les étapes constructives ont été travaillées en amont ? Sur quoi les compromis ont-ils joué ?
LM : C’est notre marque de fabrique. Sans doute qu’Anne a du nous trouver parfois très (trop) présents parce que nous le sommes dans l’élaboration du projet, non pas dans le sens où l’on impose à l’architecte telle ou telle architecture, mais nous validons étape par étape les éléments de conception pour s’assurer qu’au niveau technique tout est bien anticipé et que notamment – c’est tout bête – les descentes de charges sont faites correctement. Plus globalement, dès le début nous validons l’économie du projet. Nous sommes une structure de développement immobilier attachée à une entreprise, par conséquent, nous ne sommes jamais dans l’incertitude de l’équilibre financier. Ce dispositif peut être ressenti de façon pesante par l’architecte mais c’est aussi ce qui permet, au moment où l’on finalise la conception, d’être certain que nous n’avons pas fait de mauvais choix. Ce qui est intéressant dans la démarche d’Anne Démians c’est qu’elle écoute ce que l’on lui dit, elle n’est pas forcément d’accord, loin de là, mais in fine, nous trouvons un équilibre.

L’enveloppe de Quai Ouest tout en acier inox satiné est une performance. Qui l’a réalisée ?
LM : Cette façade en inox est compliquée à réaliser. Mais au lieu de penser qu’il fallait chercher une expertise à l’étranger, Pertuy Construction s’est adressé à des artisans de Lorraine, il en existe, et de très grande qualité. C’est l’entreprise familiale Le Bras Frères de Jarny en Meurthe et Moselle qui a été finalement retenue pour réaliser les travaux. C’était la première fois que Pertuy Construction s’attaquait à une façade en inox aussi complexe, mais elle a l’habitude de travailler sur les moutons à cinq pattes et a bien managé son entreprise sous-traitante. La réussite d’une telle prestation, c’est une question d’équilibre. André Rossinot l’avait dit, j’accepte ce projet parce qu’il est audacieux, mais il faudra veiller à ce que cet immeuble ait une grande qualité d’exécution. En effet, l’exigence architecturale nécessite une mise en œuvre à niveau et le maire savait qu’avec Bouygues Construction, la qualité serait au rendez-vous. Là aussi c’était un élément important dans l’acceptation du projet par la ville, il fallait donc jouer la partition sur le même tempo, promoteur, architecte et entreprise.

Laurent Mourey , directeur du développement immobilier chez Cirmad (filiale de Pertuy Construction)

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