Quand Malraux flirte avec les signes
16 | 10 | 2015
Cher Roland Ries, cher Olivier Wigniolle, cher Hervé Manet, il est assez rare, aujourd’hui, pour une architecte, de se voir proposer une occasion comme celle-là, de réaliser, non pas un immeuble, finalisé et isolé, mais une pièce immense, suffisamment condensée et suffisamment significative pour désigner et identifier un site majeur de centre-ville comme celui des bassins André Malraux, à Strasbourg.
Et je vous en remercie
Ce travail, qui est proposé en fond de la perspective ordonnée des bassins, essaye de contribuer, par son architecture, à l’assemblage le plus complet possible du dispositif général de cet ancien port industriel qui se met en place.
L’offre était de taille et la réponse ne pouvait être éparpillée ou émiettée. Elle nécessitait, au contraire, une réponse dense et agressive (au sens sportif du terme) et une certaine délicatesse (au sens d’une simple formule de politesse bien adressée).
Il nous fallait donc essayer le mélange de la puissance et de l’élégance, celles voisines des cygnes du bassin, lourds et graciles, et aussi noirs qu’on puisse les copier pour pouvoir en reproduire la profondeur.
C’était, là, l’occasion de préciser que l’élégance, quelle qu’en soit l’origine, reprise et transposée dans une architecture dessinée pour faire « comme si elle avait toujours été là », ne contrarie pas forcément l’efficacité des assemblages commerciaux qu’on demandait ici.
Masses extraordinairement importantes à bâtir, sans la moindre concession à l’envahissement d’une lumière omniprésente (habitations, bureaux, équipements, commerces ou surfaces utiles d’autre nature), elles sont comme des fragrances prégnantes, qu’on aurait assemblées pour un produire un parfum unique et donnent à voir trois édifices qui, avec insistance, semblent s’afficher comme les mêmes, malgré leurs différences têtues.
Mais, précisément ce sont les mêmes.
Et, précisément encore, il s’agit de mettre en situation de réussite un dispositif simple, construit sur trois tours voisines et homogènes qui permettent, avant tout, de mélanger n’importe quelle fonction domestique à une autre, à l’intérieur d’un même immeuble.
Leur écriture est commune. Elle a, pour vertu, de neutraliser toute tentative d’expression bavarde et vise à donner à l’opération une identité globale dont les variations de couleurs, placées en deuxième plan, suffisent à les distinguer les unes des autres.
Dans l’album blanc des Beatles, Paul Mac Cartnay provoque une émotion intense, avec « son » Black Bird. J’aimerais juste que « nos » Black Swans distillent des émotions du même type, à tous ceux qui y habiteront. J’aimerais aussi qu’ils puissent transmettre, sur le site, une fluidité de même nature et de même profondeur que celle du glissement des cygnes sur l’eau.
Nous nous y emploierons.